Pour
recevoir cette dure nouvelle, il me fallut beaucoup de sang froid. Un
terrible événement m'arriva un matin d'hiver en 1999. C'était huit
heures et demie quand j'arrivai à la rédaction du journal où je
travaille « L'actualité d'Avignon ». C'était,
apparemment, un lundi comme d'habitude. Tout était à sa place :
les bureaux, les chaises, les ordinateurs et tous les objets qui
entourent la profession du journaliste. Mais cette normalité finit
d'emblée quand Marine m'annonça la disparition d'une femme depuis
trois jours. À ce moment-là elle ne pouvait pas savoir rien de
l'identité de la femme disparue et moi je ne pouvais pas deviner
jusqu'à quel point cette nouvelle ferait bouleverser ma vie. Marine
était une jeune fille de l'Île de la Réunion qui était arrivée à
Avignon par hasard, comme elle disait toujours. Elle était très
différente aux autres femmes de la rédaction et sa culture me
frappa. Depuis son arrivée, j'eus toujours envie de mieux la
connaître mais je croyais que je la gênais. Notre relation de
travail restait cordiale, quand même.
Je
ne sais pas pourquoi les choses se déroulèrent d'une si étrange
manière. L'hiver restait très froid et la froideur humide de ces
jours-là nous trempait jusqu'aux os. Marine supportait mal le froid.
Et puis, il y avait comme paysage de fond l'incertitude de ce début
d'année qui était aussi le commencement d'un nouveau siècle.
J'essaie
de trouver une raison au découlement des faits, au fait d'affronter
cette nouvelle d'une manière différente et de partir ensemble ce
matin-là, après avoir pris le café de chaque matin, à Barbentane.
J'étais né à Barbentane.
Pendant
notre trajet des souvenirs de mon enfance prirent d'assaut mon esprit
et j'eus l'impression de voyager dans le temps plus que de me
déplacer dans l'espace. J'étais complètement immergé dans une
soirée d'été, je sentais l'odeur de ma glace préférée, tous les
visages des gens que j'avais oublié défilaient devant moi lorsque
j'entendis la voix de Marine m'annoncer brusquement notre arrivée à
Barbentane. Le mirage disparu, j'eus du mal à reconnaître non les
lieux mais les gens qu'on rencontrait.
Je
ne me rappelais pas bien des voisins de Barbentane et cela me fit le
travail plus facile. Marine et moi commençâmes l'interrogatoire à
travers le village pour connaître l'identité de la femme disparue.
Les gens enquêtées étaient sur ses gardes vis-à-vis de nos
questions. Je ne savais pas pourquoi il y avait ce silence. « Ce
sera, sans doute, difficile de trouver des voisins qui veuillent
parler »avouai-je à Marine. Après une longue journée de
travail, nous arrivâmes à connaître le nom de la disparue,
Amandine. Le nom résonna infiniment dans ma tête. À Barbentane il
n'y avait qu'une femme avec ce nom-là. Je me refusais à croire que
c'était ma mère, la femme disparue.
Pendant
que le soleil se couchait nous revînmes à Avignon.
Marine
n'osait pas dire un seul mot. Nous nous dîmes au revoir et chacun
rentra
chez soi.
Je
restai tout le week-end chez moi. Les jours se passèrent très
rapidement et le vendredi déboucha sur la nuit du dimanche sans me
rendre compte. Le
lundi j'allai à la rédaction comme d'habitude. Marine m'attendait
dans sa voiture pour retourner à Barbentane. Nous devions trouver la
raison de la disparition d'Amandine.
Amandine,
ma mère, était une femme qui avait 47 années. Elle était veuve
depuis plus de cinq ans. Mon père était un homme espagnol qui était
venu en France pendant la Guerre Civile Espagnole pour des raisons
politiques. Il s'appelait Hector. Ma mère lui avait connu à Paris
dans un voyage d'études, Hector était le garçon à l'hôtel où
elle logeait. Là-bas commença sa relation. Mon père était allé
vivre à Barbentane peu de temps après.
Pour
trouver la raison de sa disparition nous demandâmes une autre fois
aux voisins de Barbentane. Nous
passâmes toute la journée à chercher des indices autour du
village, mais nous ne trouvâmes rien. Je me sentais d'une côté
indigné par l'attitude des voisins, mais je comprenais qu'ils ne
voulurent pas parler avec nous. C'était une situation bizarre pour
eux. D'un autre côté, je doutais d'eux parce que je ne savais pas
si quelqu’un d'entre eux avait séquestré, torturé ou tué ma
mère. Je ne savais pas quoi faire et parfois j'avais la tentation
d'abandonner et laisser le temps passer.
À
la fin de la journée je reçus l'appel de ma sœur Julia. Je ne
m'étais pas souvenu d'elle pendant ces jours. Elle ne savait rien de
la disparition, je devais le lui dire. La nouvelle lui surprit très
brusquement. Elle était très unie à ma mère depuis toujours. Pendant
ce temps-là ma sœur habitait à Paris. Elle avait 19 ans et elle
était étudiante en interprétation. Elle est mince, petite et
brune, mais surtout elle se faisait remarquer par sa bonté. L'appel
de Julia donna la force nécessaire à Marine. Elle ne voulait plus
être immergée dans ce sujet familial. Marine sentait qu'elle
n'était pas utile dans ce cas.
Cette nuit-là je ne dormis presque rien. Ma sœur s'était fâchée avec moi et maintenait je n'avais plus l'aide de Marine. J'étais tout seul. J’eus toute la nuit pour réfléchir. Le lendemain je chercherais un détective privé pour qu'il m'aide. Ma mère méritait être avec nous le plus tôt possible, si elle voulait revenir avec nous. Je téléphonai au siège de la rédaction de mon journal, « L’actualité d’Avignon ». Marine répondit très aimablement à mon appel. Heureusement je pus prendre un jour de congé pour trouver le détective. J’avais déjà pensé à quelques détectives que je connaissais à cause de mon travail, mais je n’avais rien décidé.
Je
pris du café et je mangeai des filets que je n’avais pas mangés
la nuit précédente à cause de ma mauvaise humeur. Je pris mon
petit déjeuner dans ma chambre, j’étais toujours là-bas. C’était
une maison très grande pour moi et j’avais mis une petite table et
des chaises à coté de mon lit. Je pris une douche et peu après je
sortis trouver le détective.
J’arrivai au bureau de la rue des Phéniciens et je trouvai Gauthier. Mes copains de la rédaction parlaient toujours de lui, comme le meilleur détective d’Avignon. Je lui racontai ce que je savais de la disparition de ma mère. Cela ne valut pas la peine, nous ne savions presque rien. Il fallait repartir à zéro.
Cette
soirée-là ma sœur me téléphona. Julia voulait m’aider et le
lendemain elle venait à Avignon. Maintenant j’utiliserais toute ma
maison. Elle finissait ses examens deux jours
après et elle viendrait avec moi.
Pendant
ces deux jours-là j’étais très impatient parce que dans ce type
de cas il faut faire vite, les heures qui passent son décisives.
J’avais ma mère dans ma tête toujours. J’étais sur qu’elle
ne voulait pas nous laisser ni nous faire du mal mais quelque chose
devait avoir changé en elle. Aussi, mon travail continua dans
le journal. J’essayais
toujours de trouver une explication. La dernière fois que j’avais
vu ma mère c’était pendant l’anniversaire de ma sœur Julia, il
faisait deux semaines plus ou moins. Je devais la visiter plus
souvent mais je parlais avec elle chaque deux jour par téléphone.
Le jour précédent à sa disparition je trouvai Amandine comme
d’habitude. Je ne savais pas quoi penser : la peur,
l’impatience et le sommeil s'emparaient de moi.
Deux jours après, le vendredi, ma sœur Julia arriva à Avignon. Elle connut Gauthier cette soirée-là et nous commençâmes la recherche. Le week-end passa et il n'y avait toujours pas d'indice de ma mère. LA nuit du dimanche Julia voulait rentrer à Barbentane et dans la maison de ma mère elle trouva une note dans la boîte aux lettres. Je n’étais pas allé à Barbentane depuis quelques jours. De plus je n’avais jamais regardé dans la boîte. Cette note pouvait être écrite même par ma mère. La note disait :
22.9.12.12.5
– 1.21 – 14.15.18.4 – 4.5 – 12.5.19.16.1.7.14.5 –
3.15.14.14.21.5 –
16.1.18
– 19.5.19 – 7.18.15.20.20.5.19 – 5.20 – 19.5.19 –
19.15.18.3.9.5.18.5.19
Nous
avions une piste mais on ne la comprenait pas. Ma sœur ne savait pas
ce qu'elle voulait dire, moi non plus.
Nous
retournâmes à Barbentane, nous dînâmes et nous nous couchâmes
très tôt parce qu'on n'avait plus rien à faire. Le lendemain nous
parlâmes avec Gauthier, j''avais l'espoir qu'il saurait quoi faire
avec le message.
Dès
le moment qu'il vit la note Gauthier sut comment la déchiffrer.
Chaque nombre de la note correspondait à une lettre de l’alphabet.
La note disait : « Ville au nord de l'Espagne, connue par
ses grottes et ses légendes de sorcières ». Ma
sœur et moi nous regardâmes fixement. C'était Zugarramurdi, la
ville où mon père était né. Quelque chose nous y attendait donc
Julia, Gauthier et moi partîmes le lendemain.
Le
voyage à Zugarramurdi fut plus ou moins court, nous arrivâmes à
midi. Nous ne savions pas quoi faire pour comprendre le message, en
réalité on avait l'impression de donner des coups d'épée dans
l'eau. C'était peut-être une mauvaise blague mais rester sans rien
faire n'était pas la solution.
Ma
sœur et moi ne connaissions rien à Zugarramurdi parce que notre
père n'avait jamais voulu revenir à son village. C'était un exilé
républicain et il se sentait très mal en Espagne. Gauthier nous dit
d'aller visiter les grottes, Julia et moi acceptâmes. Là-bas le
guide nous donna des prospectus entre lesquelles il y avait une
curieuse note. Concrètement c'était un jeu phonétique appelé
charade. Le papier disait :
Mon
premier est un adjectif employé avec les mules
Mon
deuxième est un animal semblable aux mules
Mon
tout est une ville marocaine
Au
dos du papier il y avait aussi une direction : « Place
d'Espagne. Aaminah »
Gauthier trouva le papier dans la nuit, quand il était dans la chambre du hôtel, mais il ne nous dit rien jusqu'au jour suivant. Ces heures passées firent échapper tous les espoirs de trouver l'auteur de la note à Zugarramurdi. Sûrement il serait très loin déjà. Julia, qui était la plus intelligente de nous, déchiffra la note très rapidement. La ville était Tétouan. Sans aucune doute la piste suivante était là-bas mais mes jours de congé finissaient le lendemain. Heureusement nous étions en Noël et la veille de Noël nous sortîmes direction Tétouan. J'avais seulement deux jours pour y être mais Julia et Gauthier n'avaient pas d'autres responsabilités.
Le
ciel de Tétouan était couvert par un brouillard très rare, donc la
visite à la plage n'était pas possible. De toute façon nous
n'avions pas beaucoup de temps. La
ville m’impressionna, c'était très différente à Avignon. Ses
rues étroites, sa culture, ses nombreux arcs et la blancheur me
fascinèrent. Nous devions aller à la place d'Espagne, mais qui
était Aaminah ? Un
grand panneau nous donna la réponse dans la place d'Espagne. C'était
un magasin de tissus arabes. Quand j'entrai la lumière de
l’extérieur éclaira le magasin, après tout devint noir. Un
moment après, une jeune fille me surpris en me touchant le coude. Je
pensai qu'elle était Aaminah et effectivement elle l'était. Elle me
demanda mon nom bizarrement et avec beaucoup d'impatience, comme si
elle attendait quelqu'un dans son magasin.
– Bosco, lui répondis-je bref et rapidement.
– Ah,
c'est toi Bosco. Et Julia ? Où est-elle ?
La
situation commençait à me faire peur. Je ne savais presque son nom
et elle savait déjà le mien et celui de ma sœur. Je ne savais pas
quoi faire donc je n’arrêtai pas de répondre Aaminah.
– Elle
est sur la place.
– D'accord,
j'ai une chose pour toi.
Aaminah
sortit de la pièce en courant. Peu de temps après, elle revint avec
l'un de ses tapis sous son bras. Elle me le donna et ne dit pas plus.
Julia et Gauthier m'attendaient dans la place. Ils me demandèrent ce qu'il venait de se passer dans le magasin. Comme c’était la veille de Noël et il y avait beaucoup de gens je ne voulais pas parler dans cet endroit. De même, je restais très stupéfait encore. Quand nous arrivâmes à l'hôtel Gauthier commença à analyser le tapis. Peu de temps après, il trouva la note que nous attendions dans la couture du tapis.
Chambre
d'ambre. Le premier janvier 2000.
Seulement
moi, comme journaliste, savais que c'était une pièce construite
pendant le XVIIIe
siècle
avec de l'ambre et installée dans le palais du tsar russe. Cette
chambre avait
disparue
pendant
la Deuxième Guerre Mondiale. Maintenant il existe une reconstruction
à Saint-Pétersbourg. La note dans le tapis rassemblait à
un
rendez-vous.
Le premier janvier Julia, Gauthier et moi nous nous trouvions dans le palais Catherine, où se trouvait la Chambre d'ambre avant la guerre. C'était un jour férié et il n'y avait personne quand nous y arrivâmes. Peu de temps après je vis un homme tout vêtu de noir s'approcher de nous. Derrière lui, une femme nous regardait avec honte. Il s'appelait Edmond et il était médecin. La femme était ma mère, comme j'avais déjà supposé. Il nous manquait une bonne explication.
Ma
mère nous dit qu’elle ne voulait pas nous faire de dommage mais
qu’elle avait une mauvaise nouvelle.
–J’ai
une maladie mentale appelée le Syndrome de Cotard. Je ne voulais pas
vous abîmer la vie, c'est pour cela que je fuis.
C'était
comme si le ciel tomba sur nous.
–Nous
pouvons soigner la maladie– dit Edmond.
Ma
mère continua avec les mauvaises nouvelles. Elle nous expliqua
qu’Edmond était son fils et elle lui fit adopter parce qu’elle
était très jeune pour lui élever. Nous
avions un frère inconnu jusqu’à ce moment-là ! Edmond
savait qu’Amandine était sa mère et pour cela il nous aida avec
les notes.
Quand je revins à Avignon et la routine tout était redevenue, comme avant je trouvai Marine par hasard. Je savais qu’elle m’aimait autant que je l'aime le faisais. Elle me demanda sur ma mère. Je commençai pour lui dire « Pour avoir reçu cette dure nouvelle, il m'a fallu beaucoup de sang froid ».
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